samedi 12 mars 2011

généalogie de Didier , roi des Lombards

Montdidier = Mont de Didier

Certains auteurs émettent la possibilité que le nom de Montdidier vienne de Mont du Désir ; il s’agit tout simplement d’une erreur de traduction en effet Didier se dit en latin Desidérius et en italien Desidério. Quand on trouve Mons desiderii, c’est un génitif qui veut bien dire Mont de Desidérius soit Didier.
Notre ville a donc bien pour étymologie Mont de Didier.
Cela n’exclut en rien l’hypothèse qu’elle se soit appelée Leodium comme le propose Raymond Delavigne car, selon la légende et VDB*, c’est Charlemagne qui aurait changé son nom en Montdidier sans que l’on sache quel était le nom précédent

Qui était ce Didier, roi des Lombards ?

Il était duc de Toscane, capitale Florence.
Des auteurs le disent aussi duc  d’Istrie; cela serait étonnant puisque l’Istrie est en Croatie sous domination Byzantine ; d’autres parlent de  Didier III von Nassau ,  les Lombards  ont bien une origine germanique !
On trouve deux ascendances :
            - Sévère de Lombardie, 680-737, un illustre inconnu dont on ne connaît même pas l’épouse
            - Othon 1er de Nassau dit aussi Otto von Laurenburg qui a épousé Himmeltrude d’Ardennes et dont l’ascendance est connue, cf. arbre généalogique ci-joint.
Il s’est marié  en 740 avec Ansa (720-760), fille d’un ancien roi des Lombards, Liutprand (690-744); cette façon d’utiliser les mariages pour légitimer des revendications est très lombarde.
Aistolf, roi des Lombards, étant mort sans enfants, Didier revendiqua le trône ;
deux hypothèses s’affrontent sur son mode d’obtention :
- les uns disent qu’il rassembla une armée et força Ratchis, frère d'Aistolf et moine          sorti de son couvent à la mort de son frère, à lui céder ses droits
-  les autres qu’il se fit élire par les ducs en 757 avec le soutien du Pape.


Les Lombards

Ils sont d'origine germanique prés de la Baltique, leur nom veut dire longues barbes ou plutôt longues hallebardes.
Les romains les connaissent depuis 98 avant JC puisque Tacite en parle dans Germanica.
Arrivés en nombre en 568 derrière leur roi Alboin, ils occupent les campagnes.
Ils vont peu à peu prendre les villes aux dépends des Byzantins.
Pavie deviendra leur capitale et Ravenne sera la dernière ville byzantine conquise en Italie.
Dernier royaume païen d'Europe, ils ne se convertiront qu'en 600 au catholicisme.

Roi des Lombards

La Lombardie occupe tout le Nord et le Sud de l’Italie avec les duchés de Spolète, Frioul et Bénévent ; elle est séparée en deux par les Etats pontificaux.

Alliance par mariage.
 Didier cherche donc naturellement à réunir les deux parties de son royaume en envahissant les Etats du pape Etienne II mais  il fut repoussé par Pépin le Bref, le père de Charlemagne. 
En décembre 770, la mère de ce dernier, Bertrade dite Berthe de Laon ou Berthe au grand pied, veut la paix au royaume de France pour cela elle veut s’allier avec Didier ; elle part donc pour l’Italie et, malgré l’hostilité du Pape, en revenant de Rome elle passe à sa cour et négocie le mariage de sa fille, Desirée, avec Charlemagne ; Didier espére ainsi museler son beau-fils.
Il faut remarquer que pour l’épouser Charles sera obligé de répudier sa première femme Himiltrude.







Mort de Carloman et répudiation de Désiderada
Adalard, cousin germain de Charlemagne qui a été élevé avec Carloman Ier de Francie, roi d’Austrasie, frère de Charlemagne, vit à la cour de son « frère de lait »; quand ce dernier meurt brutalement, le 4 décembre 771, dans son palais de Samoussy dans l'Aisne, il s'étonne ouvertement de la rapidité de cette mort. Charles envahit le royaume de son frère.
Adalard défend les biens des enfants  de Carloman contre son cousin.
 Fin  décembre 771, Charlemagne répudie sa femme pour cause de stérilité et se remarie avec Hildegarde de Souabe, ils auront 9 enfants dont le futur roi de France Louis Ier le Pieux ou le Débonnaire.

Désirée quitte le palais de Charles à Noyon ; elle passe peut-être chez sa belle-sœur à Soissons ; les deux belles-sœurs, certains disent sœurs, partent-elles ensemble pour Pavie ? Toujours est-il que Gerberge, veuve de Carloman, se réfugie à Pavie avec ses enfants : Siagrius, qui deviendra Saint Siacre évêque de Nice, et Pépin. Certains auteurs disent que c’est la fille de Didier ce qui expliquerait son retour dans sa famille ; on peut imaginer une reine de France fuyant  le spoliateur de ses enfants pour se mettre à l’abri chez un ennemi de l'usurpateur qui est, en plus, le père  de sa belle-sœur  répudiée ignominieusement ;  la répudiation a précédé la fuite car Didier n'aurait sans doute pas recueilli ceux qui fuyaient son beau-fils s'il l'avait encore été !
La répudiation de sa fille déchaîne la haine de Didier qui n’a plus aucune raison de ménager son ex beau-fils, ce roi voisin trop envahissant.

Conquête de l’Italie
Didier envahit de nouveau les Etats du nouveau Pape Adrien Ier et tente de faire couronner comme roi des Francs le fils de Carloman; le pape résiste et appelle au secours le roi des Francs en 772 mais celui-ci est aux prises avec les Saxons de Widukind.
 Adalard fuit la cour de France et se réfugie au Mont Cassin.
Charles propose d’abord « 14 000 sous d’or » pour racheter à Didier les villes papales ; ce dernier, outré de la proposition, refuse.
Charlemagne, ayant battu les Saxons, part en Italie en 773.
Les Lombards tentent de verrouiller les cols mais Didier battu s’enferme dans Pavie sa capitale où il résiste neuf mois, Charles ne sait pas prendre une ville faute de machines de guerre mais décide de l’affamer. Il prend Vérone où il retrouve sa belle-sœur et ses deux neveux.
 L’absence de soutien des ducs lombards force Didier à se rendre en juin 774.
Didier et sa famille sont d’abord envoyés à Liège puis  à Corbie, une grande abbaye de l’époque dont l’Abbé ne lui était probablement pas hostile, Addo Mordramnus, de plus Corbie est proche de Noyon capitale de Charles qui peut donc le surveiller.
Didier a d’ailleurs peut-être fini sa vie du temps d' Adalard Ier, co-abbé de Corbie dès 780, canonisé en 1026 sous le nom de Saint Adalhard, qui connait donc bien cette famille et l'a toujours soutenue. Cela pourrait expliquer que Didier ait obtenu un régime de faveur.
Charlemagne  ceint de la célèbre couronne lombarde; elle sera transmise ensuite à Pépin son fils en 781 puis à Bernard son petit-fils.

 La Couronne de Fer Lombarde est la plus ancienne couronne d’Europe.
Elle tient son nom du cercle en fer forgé de 9,5 mm qu'elle contient, et qui, selon la tradition, aurait été forgé à partir d'un clou utilisé pour la crucifixion de Jésus-Christ.
 La légende veut que ce clou  ait été donné à l’empereur Constantin par sa mère, Sainte Hélène, qui lors de son pèlerinage en Palestine et en Terre Sainte, avait découvert la vraie croix sur laquelle le Christ fut martyrisé.
        Elle a été offerte à la reine Théodelinde, reine des Lombards (590-627) par le pape Grégoire le Grand,
 Le cercle est richement décoré de six rectangles d’or et d’émaux joints par des charnières, ornés de pierres précieuses et de brillants en forme de croix et de fleurs.
La Couronne de Fer est aujourd’hui conservée dans la cathédrale de Monza, en Lombardie.
Elle sera portée par Napoléon en 1823

Didier à Montdidier
C’est là que la légende rejoint l’Histoire !
Didier, s’accommodant mal de la vie des moines, est envoyé dans un domaine dépendant de l’abbaye à Montdidier à 7 lieues de Corbie où il mènera une retraite de gentilhomme campagnard jusqu’à sa mort à une date imprécise : certains disent 774, cela paraît très tôt par rapport à sa reddition en juin 774, d’autres disent 778 ou 783. On parle d'une petite cour. C'est là qu'il pense marier une de ses filles, Rolende, au fils du roi d'Ecosse ou plutôt du Danemark qui s’était réfugié à sa cour de Pavie pour fuir Charles,  Ogier. Il vivait dans un château sur la butte dont on a retrouvé les traces sous la pelouse devant le Prieuré, VdB tome I p 37. On le dit mort à Corbie mais n'est-ce pas dans une dépendance de l'abbaye; Charlemagne serait venu s'incliner sur sa dépouille ou plutôt sa tombe ? Ce serait Charlemagne qui aurait débaptisé ce château pour l’appeler Mont de Didier, VdB tome I p 36



Ses descendants

Adalgis fils de Didier aurait du épouser en 774 Gisèle de France (757-810) tante de Charlemagne mais elle deviendra abbesse de l’abbaye de Chelles. Nommé co-roi par son père, lors de l’arrivée des Francs, il se réfugie à Vérone dont il arrive à fuir déguisé lors de la prise de la ville, puis à Byzance chez l’empereur d’orient. De là il prépare une expédition contre Charlemagne, débarque dans le sud de l’Italie et rencontre l’armée de l’Empereur d’occident. Il est battu et meurt sur le champ de bataille en 788. Il n’a pas de descendant.

Adelperge a épousé en 762 Arichis, duc de Bénévent qui règne sur le sud de l’Italie.
Bien qu’ayant aidé son beau-frère, il ne sera pas inquiété par les Carolingiens et son duché sera à l’origine du royaume de Naples qui sera conquis par les Normands au XI ème siècle.
 Ils ont un fils : Grimoald de Bénévent.

Ansperge (745-817) épouse Audran I comte de Frioul. Ils ont une fille : Engeltrude de Frioul (780-857). Le Frioul sera annexé par Charlemagne en 776 après la décapitation de son duc qui s’était révolté avec l’évêque de Ravenne contre le roi des Francs. Son petit-fils Eberhard de Frioul, 820-866, épousera en 836 Gisèle de France, 820-874, petite-fille de Charlemagne. Une de ses descendantes sera la grand-mère d’Helvide de Laon , épouse d’Hilduin II comte de Montdidier et  mère d’Hilduin III; ironie de l’histoire, un descendant du prisonnier épouse la petite-fille du geôlier et une descendante sera une ancêtre d’un comte de la ville où il a été prisonnier !

Liutberge, une autre sœur, deviendra la femme du duc de Bavière, Tassilon III en 767 ; Didier avait espéré que cette alliance pourrait contrebalancer le poids de Charlemagne.
Ils ont deux garçons : Théodon et Théobert. Après plusieurs révoltes, le duc est vaincu et enfermé avec son fils Théodon dans l’abbaye de Jumiège. Le duché est annexé à l’empire carolingien juste au moment de l’invasion des Huns.

Desiderada, 747-776, ou Désirée fut la femme de Charlemagne durant moins d’un an (décembre 770 à 771) mais ils n’eurent pas d’enfants ; la stérilité est la cause officielle de cette répudiation ; en fait c’était plutôt un mariage politique.
Certains disent que c’est Rolende ;  cela paraît étonnant car sainte Rolende était vierge et il faut bien reconnaître que Charlemagne, vu le nombre de femmes et de concubines qu’il a eu (9), a sûrement consommé le mariage !
 En 776, sa fille Rolende, qu’il veut marier à Ogier, fils du roi d’Ecosse ou du Danemark, s’enfuit  de Corbie vers le monastère de Cologne et meurt en route à Villers-Poterie. Didier serait donc encore vivant en 776 et sa femme serait allée sur sa tombe alors que beaucoup la disent morte en 760 ! Sur sa tombe les nombreux miracles poussent l’Eglise à la canoniser dés le XII siècle ; on l’appellera Sainte Rolende de Gerpinnes.

Gerberge (750-773) femme de Carloman Ier est morte au couvent;  était-elle la fille de Didier ? Probablement pas. Son fils Pépin disparaît, des historiens suspectent Charles d’être le responsable de cette disparition ! Son deuxième fils, Siagrius, enfermé au couvent comme elle deviendra évêque de Nice et sera béatifié sous le nom de St Siacre. Sa fille, Cunégonde,épousera Guillaume de Gellone, duc d’Aquitaine, fils d’Aude de France et d’un seigneur juif et  petit fils de Charles Martel.




L'unificateur de l'Italie

Didier aura vraiment utilisé tous ses enfants à des fins politiques :
            deux filles, sans doute une seule, mariées aux deux frères, roi des francs, Charlemagne et Carloman
            deux filles mariées aux ducs lombards du sud de l’Italie, duc de Frioul et de Bénévent
une fille mariée à l’allié bavarois
un fils marié officiellement à la sœur de Charlemagne, le mariage ne s’est sans doute pas fait.

Didier, roi des Lombards, était:
-         fin politique et diplomate, il a su s'allier avec tous ses voisins  en les mariant à ses enfants
-         sans doute piètre roi, il n’a pas su rallier ses ducs,
-         homme d'honneur, il a perdu son royaume car il a refusé de vendre au pape les villes conquises
-         conquérant, il a dominé presque toute l'Italie ; on le reconnaît d'ailleurs comme le fondateur de l'unité italienne
-         et  piètre soldat, il perdit ses combats contre Pépin puis contre Charlemagne.
                                                                                                          C Wyttynck 10/2010

Remarques : les dates sont souvent approximatives du fait des écritures de l’époque ; quant aux noms ils varient selon qu’ils sont en français, italien ou latin.

P.S.
M. Noiret a sorti un livre passionnant sur Montdidier, intitulé  Marmouset. L’auteur rencontré décrit son ouvrage comme un livre de contes.
Concernant Didier, roi des Lombards, tout est inventé :
            il est facile de vérifier que le livre qu’il décrit n’existe pas à la bibliothèque de Montdidier, ni ailleurs
            la tour qu’il appelle lombarde est une tour pleine qui a du être construite soit comme soutènement soit comme leurre pour protéger les vrais ouvrages de défense du château ; aucune porte n’y donne accès de l’intérieur de Prieuré ; elle ne présente pas d’ouvertures et, même si elles avaient été occultée, on les verrait de l’extérieur ; elle ne peut donc pas contenir de pièce où Didier pouvait contempler la vallée
            enfin la fameuse pièce dessinée est également de son invention. Il faut reconnaître la compétence de l’auteur qui est parti d’une pièce mérovingienne et l’a adaptée à Didier.
Quel malheur que tout cela ne soit qu’un joli conte d’autant plus que la trame historique est plausible. La pièce aurait constitué un fort indice de la venue de Didier même si une pièce n’est jamais une preuve car elle peut voyager trop facilement.
En tout cas lisez son livre comme il a été écrit : un très joli comte pour enfant mais n’y cherchait pas de vérité historique seule la trame est vrai.

Bibliographie
*Victor Cauvel de Beauvillé Histoire de Montdidier
Marie-Nicolas Bouillet et Alexis Chassang, « Didier de Lombardie »  Dictionnaire universel d’histoire et de géographie, 1878   
Michel Mourre, Le Petit Mourre. Dictionnaire d'Histoire universelle, Éditions Bordas,  2007
Jean-Charles Volkmann, Bien connaître les généalogies des rois de France, Éditions Gisserot, 1999
Wikipédia: Adalard de Corbie
                        Didier de Lombardie